Courrier envoyé aux membres du bureau de la Société Française de neurologie (30 août 2025)

À l’attention des membres du bureau de la Société Française de Neurologie

Service de Neuro-Oncologie

Hôpital de La Pitié-Salpêtrière

          

                              Mesdames, Messieurs,

Association engagée dans la défense des malades et la diffusion d’informations scientifiques dans le cadre de l’épidémie de SARS-CoV-2 (en particulier à propos du COVID long), nous venons vers vous aujourd’hui suite à de nombreux récits de malades chroniques sur leur errance diagnostique au niveau neurologique, pour discuter des dommages engendrés par ce virus et des actions à prévoir pour une meilleure connaissance à ce sujet.

Votre qualité d’acteur de référence en matière d’information et de recherche dans ce domaine nous apparaît primordiale pour contribuer à la diffusion des connaissances, auprès tant de vos adhérent·es que de leur patientèle, sur à la fois, le mode de transmission aéroportée du Covid-19 et les risques encourus par les infections répétées. Dans le cadre d’un « partenariat patients » à construire, nous souhaiterions relayer les positions et recommandations, étayées par les données factuelles, que vous pourriez établir et transmettre en matière de suivi et soins, de recherche et de prévention.

Le Covid-19 est une maladie dont le tropisme vasculaire est maintenant reconnu (1). L’infection par le SARS-CoV-2 modifie directement l’élasticité endothéliale (2), à l’origine de complications immédiates pouvant toucher le cerveau. Par ailleurs la persistance du virus dans cette zone a été montrée plusieurs fois  (3), y compris récemment, par des chercheurs d’une équipe Pasteur (modèle animal), avec des marqueurs associés à des processus dégénératifs (4). De façon générale, l’impact du virus sur les capacités cognitives est documenté (5, 6). Dans le cadre du COVID long, dont la sphère neurologique est très présente dans la symptomatologie, différents éléments pourraient contribuer au développement de maladies dégénératives, comme le rappelle le position paper de l’académie européenne de Neurologie (7) appelant à une surveillance adéquate et à se préparer à un fardeau accru de ces maladies.

Les personnes vivant avec un COVID long nécessitent alors un suivi, une gestion de leurs risques de complications, parfois un traitement. Or, nous recevons régulièrement des messages de patients concernant la non prise en compte de leur état, voire la négation de toute maladie physique par des professionnels. Nous rappelons que malgré les effets neuropsychiatriques possibles (8) du COVID, les malades sont affectés d’une maladie dont la physiopathologie est établie. Le retard pris par la France en la matière, et la psychologisation importante qu’ils subissent est très délétère pour les malades, qui se retrouvent sans le suivi spécialisé dont ils ont besoin. Nous souhaiterions savoir comment la Société française de neurologie prend en compte cette problématique. L’imagerie, par exemple la mise en avant de la présence d’hypoperfusion cérébrale (9), pourrait représenter l’un des outils de suivi.

La recherche française doit continuer à avancer sur le sujet. Différentes pistes concordantes amènent à des risques de maladies neurodégénératives  : outre la persistance virale ou la fusion neuronale (10), la thrombo-inflammation via notamment la fibrine inflammatoire (11) pourrait être au cœur du processus de la maladie en participant à la neuropathologie du COVID aigu et long, comme cela se retrouve dans le cadre de la maladie d’Alzheimer. Ainsi, comment les spécificités de la pathologie sont-elles prises en compte dans l’évolution des pratiques ? 

Par ailleurs, la prévention est cruciale, encore plus pour les patient·es atteint·es de comorbidités, et ne saurait se limiter à la seule vaccination. Celle-ci est évidemment essentielle mais elle n’empêche pas la recontamination, qui peut avoir un impact dramatique sur la santé et l’évolution de ces malades. La prévention est multi-modale (incluant une amélioration drastique de la qualité de l’air intérieur et le port du masque FFP2 dans les lieux à risque que sont les structures de soins et les espaces clos confinés) et la population devrait bénéficier d’une information de qualité (optimale et exhaustive) pour pouvoir être effectivement responsable et vivre sans ostracisme en réduisant les risques. 

Nous attendons que les professionnels, notamment par le recueil de données permettant la documentation, puissent contribuer à la veille, à l’alerte et à la meilleure connaissance d’un virus récent dont on ne mesure pas encore tout l’impact sur la santé des personnes. Le COVID long étant peu connu et minimisé, il est possible qu’il soit sous-diagnostiqué chez des personnes âgées résidant en maison de retraite, par exemple, alors même que l’impact des infections répétées est supposé très important sur cette population particulièrement vulnérable (12). Ce sous-diagnostic touche aussi les enfants, ce qui est inquiétant pour leur prise en charge.

Comme le souligne le Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, « bien que la Covid-19 ne constitue plus une urgence de santé publique de portée internationale, la maladie continue d’avoir des répercussions sanitaires considérables dans le monde entier » (13). Le silence, voire le déni que nous constatons à son égard est d’autant plus surprenant qu’il nuit au progrès et à la santé objective de tous·tes – cette maladie aurait logiquement dû faire évoluer les paradigmes conceptuels et opérationnels.

Ainsi, nous souhaiterions vivement engager avec vous un échange sur tous ces sujets, susceptible de nous permettre de mieux connaître vos travaux, vos positions et vos actions dans l’optique d’une meilleure information et protection des patient·es. Peut-être pourriez-vous nous désigner un interlocuteur, ou un groupe ad hoc que vous créeriez ou auriez créé spécifiquement sur les effets neurologiques du SARS-CoV-2 ou pour les relations avec les malades ?

En vous remerciant par avance de l’attention que vous porterez à ce courrier, dont nous vous souhaitons bonne réception, et dans l’attente de votre retour, nous vous prions d’agréer nos meilleures salutations.

 

xxxx, pour l’association Winslow Santé Publique

Liste des ressources utilisées (vous pouvez aussi retrouver notre page neuro ici : https://winslow.fr/les-effets-neurologiques-du-covid/):

 

1- Cellules endothéliales circulantes : un biomarqueur clé de la fatigue persistante après une hospitalisation pour COVID-19.

https://link.springer.com/article/10.1007/s10456-024-09959-z

 

2- Remodelage de l’architecture intracellulaire lors de l’infection de l’endothélium humain par le SARS-CoV-2.

https://www.nature.com/articles/s41598-024-80351-z

 

3- La persistance de la protéine Spike au niveau de l’axe crâne-méninges-cerveau pourrait contribuer aux séquelles neurologiques de la COVID-19.

https://www.cell.com/cell-host-microbe/fulltext/S1931-3128(24)00438-4

 

4- Les hamsters atteints de COVID long présentent des profils transcriptomiques distincts associés à des processus neurodégénératifs dans le tronc cérébral.

https://www.nature.com/articles/s41467-025-62048-7

 

5- Cognition et mémoire après la Covid-19 dans un large échantillon communautaire.

http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2311330

 

6- Modifications de la mémoire et de la cognition au cours de l’étude de l’étude “challenge humain SRAS-CoV-2”.

https://www.thelancet.com/journals/eclinm/article/PIIS2589-5370(24)00421-8/fulltext?utm_source=perplexity

 

7- Nécessité de sensibilisation et de surveillance des troubles neurodégénératifs post-COVID à long terme. Note de synthèse du groupe de travail NeuroCOVID-19 de l’Académie européenne de neurologie.

https://link.springer.com/article/10.1007/s00415-025-13110-3

 

8- Risque de troubles neuropsychiatriques et apparentés associés à l’infection par le SRAS-CoV-2 : une analyse des différences dans les différences

https://www.nature.com/articles/s41467-025-61961-1

 

9- Hypoperfusion cérébrale chez des sujets souffrant de troubles cognitifs post-COVID-19 révélée par IRM avec marquage de spin artériel

https://www.nature.com/articles/s41598-023-32275-3

 

10- L’infection par le SRAS-CoV-2 et les fusogènes viraux provoquent une fusion neuronale et gliale qui compromet l’activité neuronale.

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37285437/

 

11- La fibrine est à l’origine de la thromboinflammation et de la neuropathologie dans le contexte de la COVID-19

https://www.nature.com/articles/s41586-024-07873-4

 

12-Association entre l’infection à la COVID-19 et l’apparition d’une démence chez les personnes âgées : revue systématique et méta-analyse

https://bmcgeriatr.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12877-024-05538-5?

 

Déclaration de l’OMS:

13- https://www.who.int/europe/fr/news/item/12-06-2023-with-the-international-public-health-emergency-ending–who-europe-launches-its-transition-plan-for-covid-19