
Mots introductifs : de 0:00 à 17:50
Mot d’introduction par Nadège Abomangoli
Le colloque est introduit par Mme Nadège Abomangoli, Vice-Présidente de l’Assemblée Nationale, députée LFI et co-organisatrice de l’événement avec Winslow Santé Publique. Elle remercie Winslow Santé Publique et les autres associations de malades qui ont accepté d’intervenir (AprèsJ20, COVID Long Solidarité), ainsi que les différentEs intervenantEs, les malades sur place et ceux qui n’ont pas pu se déplacer à cause de la maladie.
Élue depuis 2022, N. Abomangoli explique avoir voulu s’emparer du sujet du COVID Long depuis longtemps mais qu’il y a eu de nombreuses difficultés. Elle dénonce notamment l’invisibilisation du COVID Long par les pouvoirs publics et le monde médical et donne des chiffres sur la prévalence de la maladie en France : plus de 2 millions de malades et 700 000 en forme sévère (Source : Santé Publique France). Elle-même atteinte d’une maladie auto-immune anciennement décrite par les médecins comme “la maladie du simulateur” et ayant un vécu de personne minorisée, elle se dit particulièrement sensible aux thématiques invisibilisées comme le COVID Long.
Elle rappelle que “ce que l’on ne mesure pas, on n’en tient pas compte” et qu’il est donc urgent de mettre fin à l’invisibilisation du COVID Long. Cela passe par la mise à disposition d’outils de dépistage de la maladie, la recherche de traitements, l’évaluation des conséquences économiques de l’épidémie et également par la publication des décrets d’application de la loi COVID Long de Janvier 2022. Elle raconte qu’elle a d’ailleurs posé la veille à l’Assemblée Nationale une question orale sur le sujet au Ministère de la Santé. Réponse synthétique : “Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes”. Elle s’est dite notamment très étonnée de la mention par le gouvernement d’un pourcentage très élevé de satisfaction de la part des personnes malades interrogées sur les dispositifs de prise en charge du COVID Long en France (>90%) alors même qu’il n’y a toujours pas de recensement régulier et fiable du nombre de personnes vivant avec la maladie.
Avant d’introduire le programme du colloque, elle en explicite l’objectif. Pour elle, il ne s’agit pas seulement d’apprendre sur le sujet du COVID Long mais bien d’impulser un travail sur le long terme : “J’aimerais que l’on passe de l’invisibilisation à l’autodéfense sanitaire”. Elle imagine notamment la construction d’une proposition de loi transpartisane sur le COVID Long. Pour cela, elle veut procéder dans les mois à venir à des auditions, des visites, une évaluation de ce qu’il se fait à l’étranger sur le sujet.
Présentation du COVID Long par Solenn Tanguy
Avant de définir ce qu’est le COVID Long, Solenn Tanguy, Présidente de Winslow Santé Publique, commence par remercier N. Abomangoli pour la co-organisation du colloque ainsi que les différentEs intervenantEs. Elle remercie également les personnes présentes sur place pour le port généralisé du masque FFP2.
Tanguy revient tout d’abord sur l’émergence du concept de COVID Long au tout début de l’épidémie. Elle explique que le vécu des malades est venu remettre radicalement en question la compréhension de ce qu’est le COVID, maladie qui, d’après les médecins à l’époque, était censée durer une dizaine de jours. Elle évoque la solitude des malades de la 1ère heure et la conscientisation progressive de la masse de personnes concernées : “5 ans après le début de la crise, les malades de la 1ère heure sont toujours là et de nouveaux ne cessent d’arriver.” Elle dénonce également les tentatives de modifications du nom de la maladie : le terme “COVID Long” a été choisi par les malades eux-mêmes et englobe depuis le départ l’ensemble des conséquences différés et chroniques de l’infection par le virus du COVID. Elle cite notamment les travaux d’Elisa Perego, chercheuse et patiente experte COVID Long, et met en avant le fait que les malades ont tout fait eux-mêmes malgré leur état de santé critique : la prévention, la compréhension de leur maladie, la formation des médecins. Elle mentionne également le rôle crucial joué par les personnes déjà handicapées et malades chroniques, et les remercie pour avoir été dès le début aux côtés des personnes vivant avec le COVID Long.
Tanguy poursuit en mentionnant la définition du COVID Long par la NASEM (National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine) : “Long COVID (LC) is an infection-associated chronic condition (IACC) that occurs after SARS-CoV-2 infection and is present for at least 3 months as a continuous, relapsing and remitting, or progressive disease state that affects one or more organ systems.”
Elle liste ensuite des éléments clés de compréhension de la maladie :
- Le COVID Long est une maladie chronique multi-systémique qui résulte de l’infection par le virus du COVID ;
- Il y a 3 grands mécanismes causatifs du COVID Long qui font consensus aujourd’hui : la persistance du virus dans le corps humain, la thromboinflammation et la dérégulation du système immunitaire. “« Vivre avec le virus », les malades du Covid long le font littéralement.” ;
- Les manifestations du COVID Long sont nombreuses et variées : maladies auto immunes, pulmonaires, Encéphalomyélite Myalgique/Syndrome de Fatigue Chronique, problèmes cardiaques, caillots sanguins, problèmes neurologiques, diabètes, pathologies digestives, rénales etc.. Les symptômes qui en résultent également : dyspnée, dysfonctionnements neurologiques, épuisement ou malaises post effort, arythmie, douleurs thoraciques, douleurs articulaires, difficultés de concentration, hypertension…. ;
- Les diverses présentations du COVID Long peuvent être légères, modérées ou sévères mais surtout elles se cumulent ;
- La maladie est évolutive et peut donc s’améliorer mais aussi s’aggraver ;
- Le COVID Long touche tout le monde, enfants et personnes âgées compris. Les personnes déjà malades chroniques et handicapées sont encore plus impactées.
- Les réinfections augmentent les risques de développer un COVID Long ;
- Le COVID Long tue comme le constatent régulièrement les associations de malades. Les risques de décès sont ainsi multipliés par deux dans la 1ere année de COVID Long (Source : JAMA, 2023) et les complications vitales liées aux dommages organiques sont souvent mal détectées et mal traitées : “Honte aux médecins et autorités sanitaires qui minimisent la maladie.” ;
- Il n’y a toujours aucun traitement à l’heure actuelle contre le COVID Long ;
- Il y a de fortes inégalités de classe dans l’accès au diagnostic de la maladie alors même que la prévalence du COVID Long est 2 fois supérieure chez les 20% des personnes les plus pauvres par rapport aux 20% les plus riches (The Lancet, 2024).
Pour S. Tanguy il est donc crucial de recenser régulièrement toutes les personnes vivant avec le COVID Long en France, ce qui passe par le fait de continuer à dépister les infections, mais aussi à arrêter de sortir les malades de la catégorie COVID Long lorsqu’ils ne correspondent pas au profil que s’en font les médecins. Surtout qu’il y a une vraie zone grise entre les personnes vivant avec le COVID Long et les individus dont la santé se dégrade réinfection après réinfection. Le COVID Long est en réalité bien plus qu’une accumulation de drames individuels et à l’échelle de notre système de santé, c’est un phénomène qui n’est pas soutenable : “les virus ne sont pas nos amis, le COVID n’entraîne pas le système immunitaire et surtout le virus du COVID circule toute l’année et ne suit pas la saisonnalité décidée par le Ministère de la Santé.”
Elle mentionne le fait que le monde d’avant écrasait déjà les plus faibles et que les promesses du monde d’après ont été très vite oubliées. La crise COVID a décuplé l’âgisme et le validisme de la société, notamment par l’acceptation sans débat ni hommage de millions de décès et de handicaps au nom du retour à la normale, et ceci malgré les alertes des malades.
Tanguy exprime la joie qu’elle a ressenti dans le fait de rencontrer et de s’organiser avec d’autres malades. Mais pour elle, les malades ont été acculés à l’auto-organisation et sur le long terme, cela ne suffira pas pour être soigné dignement, protéger ses proches et soi-même des réinfections, du handicap et de la mort. Les malades veulent ainsi vivre, être soignéEs, sortir de la précarité et de l’isolement pour participer pleinement à la société :
“Dans une société qui passe 80% du temps en intérieur, la charge de la prévention collective et de l’information ne peut reposer sur les seules épaules des malades. On a besoin de soutien, de recherche et de vrais soins. Le Covid n’est pas fini. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?”