Inaction étatique, inaction ordinale : personne ne bouge

Le 25 septembre dernier, nous avons écrit au Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) et à celui des pharmaciens (CNOP) pour leur demander, en l’absence de cadre national depuis fin août, qu’ils interviennent pour sensibiliser les professionnels, et par là même la population, à la transmission par aérosols du SARS-CoV-2 et inciter au maximum à l’adoption des mesures efficaces de prévention des infections, notamment le port du masque, l’utilisation de détecteurs de CO2 et l’installation de purificateurs d’air.

Cet appel a été signé par des collectifs, associations de patients, acteurs de la Santé Publique et nous les en remercions. Vous pouvez retrouver ces courriers sur ce lien.

Depuis, après quelques échanges nous avons reçu les réponses officielles des Ordres à nos demandes.

La section Santé Publique du CNOM « rejoint [nos] inquiétudes vis-à-vis de la recrudescence de l’épidémie Covid et œuvre pour que soit assurée la meilleure protection des patients et des professionnels de santé ». Selon elle, « le port du masque et le maintien des gestes barrière doivent être autant que possible la règle dans la mesure où l’épidémie redémarre en France. »

Nous avons su par ailleurs qu’une circulaire du CNOM reprenant cette préconisation avait été adressée aux Conseils départementaux de l’Ordre des médecins.

L’Ordre des pharmaciens souligne « qu’il ne lui appartient pas de définir les normes et les obligations applicables en matière de port du masque » mais qu’il « communique toutefois régulièrement les messages des pouvoirs publics en la matière ». Il rappelle que « d’autres acteurs comme les syndicats pharmaceutiques accompagnent les pharmaciens dans le cadre de la mise en œuvre d’obligations ou de recommandations pour leurs personnels et leurs patients. Les lieux pharmaceutiques (officine, laboratoire de biologie médicale, établissement de santé…) susceptibles d’accueillir des personnes âgées ainsi que des personnes à risque de forme grave de la Covid-19, doivent bien évidemment rester des lieux où le patient se rend en toute confiance et en toute sécurité. La période actuelle (grippe saisonnière, covid 19, …) sera l’occasion de communiquer sur le sujet et rappeler l’importance du masque pour les professionnels de santé et pour les patients fréquentant ces lieux ». Il conclut que « soucieux de répondre à l’inquiétude légitime des patients que vous rappelez dans votre message, nous ne manquerons pas de relayer le sujet auprès du ministère de la santé. »

Nous avions compris également que le CNOM relayait notre courrier au ministère.

Au total, les ordres rappellent l’importance des gestes que nous appelons « protecteurs ». Aucun ne propose d’actions à venir, qui soient pro-actives et incitatives, pour encourager à l’adoption de mesures sanitaires efficaces dans les lieux de soins. Cette position « frileuse » ne nous semble pas satisfaisante au regard de plusieurs points concernant leurs missions :

  • les Ordres doivent « garantir la déontologie » ; or l’intérêt des personnes vulnérables et des patients en général est d’avoir une sécurité optimale dans leurs lieux de soins. Le silence public des Ordres est ainsi pour le moins regrettable ;
  • leur rôle consiste également à conseiller les pouvoirs publics ; or ils n’ont rendu aucun avis public concernant la levée des mesures de protection, contrairement à des associations similaires dans d’autres pays (Allemagne par ex).

Nous faisons également le constat d’une incohérence dans les discours officiels concernant la protection sanitaires des personnes : l’État se décharge sur la responsabilité individuelle, et les instances de santé lorsqu’elles sont sollicitées pour que cette responsabilité individuelle puisse être appliquée, rappellent que nous sommes en France dans un État très centralisé, et qu’il est le seul apte à prendre des mesures obligatoires (ET à faire de fortes recommandations ou organiser une communication adéquate, visiblement).

Le premier avis du COVARS n’est lui non plus guère satisfaisant en ce qui concerne les propositions concrètes.

Au minimum, bien que nous nous réjouissons que les divergences d’opinion au sein du COVARS ne soient pas masquées, nous ne comprenons pas l’absence de majorité sur la préconisation d’obligation du masque « dans les lieux clos mal aérés accueillant du public, y compris le milieu scolaire, en l’absence de plan stratégique d’amélioration de la qualité de l’air intérieur et d’un investissement conséquent, en promotion de la santé, sur l’éducation citoyenne aux bénéfices du port volontaire du masque pour soi et pour autrui », comme le propose l’une des membres du COVARS – que nous félicitons et dont il faut saluer la position malheureusement isolée.

Dès lors, cependant, personne n’agit, et les individus se retrouvent à devoir assurer seuls leur propre sécurité sanitaire, dans le cadre d’une épidémie à transmission aéroportée qui a déjà fait plus de 30000 morts dans notre pays cette année, et surcharge toute la filière santé, avec les retards de prise en charge que cela implique.

Il nous semble impossible de ne pas agir alors que les pouvoirs publics s’orientent, en termes sanitaires, vers une acceptation de la situation actuelle, qui signifie à court et long terme la non-accessibilité de certains lieux publics et de santé, la perte de personnes fragiles qui sont sacrifiées, d’innombrables covid longs, une probable future baisse de l’espérance de vie et la dégradation de la santé des plus jeunes, qui seront inévitablement multicontaminés.

Cette démission des autorités nous incite encore une fois à considérer l’autodéfense sanitaire comme l’une des voies essentielles pour les personnes soucieuses de leur propre santé (et celle des autres), et celles à la santé fragile. Nous voyons en effet la France s’orienter vers le modèle anglais, où les personnes vulnérables sont laissés seules dans une situation de chaos sanitaire (les immunodéprimés sont démarchés directement par le laboratoire AstraZeneca pour se procurer Evusheld® pour ceux qui en ont les moyens, par ex), plutôt que vers le modèle allemand, où certaines responsabilités (bien qu’insuffisantes) sont assumées au niveau fédéral et des protections collectives mises en place pour l’accès à des endroits essentiels (masques FFP2 en lieux clos).

Dans ce cadre, nous avons mis en ligne une carte recensant les lieux de soins et les mesures applicables dans ceux-ci, pour éviter que les individus se retrouvent sans le savoir dans des lieux de soins non sécurisés, où leur santé peut être mise en danger.

Nous vous invitons à nous aider à la remplir via le formulaire adéquat, pour qu’elle soit la plus efficace possible et la plus proche de la réalité du moment.

D’autres propositions suivront, celles-ci sont collectives (à l’inverse de la doctrine de responsabilité individuelle), et nécessitent la participation de chacun.

Parallèlement, nous continuerons d’interpeller les autorités de santé, car « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».

À suivre, donc… et merci de votre attention.

27 oct. 2022 19:08