Nous sommes en 2024, et plus de 15.000 publications décryptant le COVID Long sont disponibles sur le site du NIH, et des essais cliniques débutent aux USA. En France, récemment, publication annonçant une étude Covid Long. Bonne nouvelle ! Les recherches françaises vont sûrement prolonger vers des solutions cliniques l’élan de leurs contributions cruciales sur les mécanismes de persistance du SARS-CoV-2, dont les images ont parfois fait le tour du monde…? Mais notre joie est de courte durée, car en ouverture on lit : “Les connaissances sur le COVID long […] sont encore limitées”, et l’on apprend la création d’un questionnaire pour “mieux décrire les différents symptômes associés au COVID long ainsi que leur fréquence”. Welcome back to 2020 ! Les autorités sanitaires n’ont-elles pas accès aux publications que les malades lisent, s’échangent, décryptent avec espoir depuis quatre ans ? 

 

Cela n’annonce rien de mieux qu’ un n-ième recensement exhaustif des symptômes. Combien de fois va-t-on ré-inventer l’eau chaude, tourner en rond autour de ces symptômes très nombreux, les trier par ordre de fréquence tout en laissant de côté les nombreux effets décalés et potentiellement mortels du virus, les classer et re-classer ? Ce type de recherche a jusqu’ici surtout nourri la suspicion des praticiens face à leurs patient-es, en insistant sur l’aspect vague de symptômes pourtant invalidants, construit le COVID Long comme un problème psychologique et emmené vers des prises en charge d’ordre “rééducatives” qui ont l’efficacité de l’homéopathie. Les COVID Long, comme l’ont été et le sont encore beaucoup de maladies multisystémiques (l’Encéphalomyélite Myalgique, le lupus, et d’autres maladies auto-immunes, systémiques, complexes, graves), sont inévitablement rabattus sur la théorie très française psychologisante des “troubles somatiques fonctionnels”. Pour les médecins qui la défendent, “plus il y a de symptômes, moins il y a de maladie”. Dans ce contexte, il nous semble que la réalité du COVID Long gagnerait à être déterminée par des biomarqueurs attestant de la maladie chronique et des risques d’évènements associés, plutôt que par un nouveau questionnaire qui risque de servir à appuyer les préconisations précédentes et aller in fine vers notre rééducation ou “réadaptation”, qui est au mieux inutile, au pire néfaste, en tous les cas culpabilisante.

Extraits des copies d’écran de l’étude Covilev qui nous ont été envoyées (avec l’autorisation des patient-es) :

au cours du dernier mois, avez vous pris un des médicaments ci dessous pour vous détendre? (liste de médicament type anxiolytiques etc) copie d'écran de l'étude covilev. Les questions sont

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« Powerpoints partout, traitements nulle part »

Ainsi, on voit arriver, pour seul horizon, en France : 

– un n-ième recensement de symptômes, qui confortera les autorités médicales françaises dans leurs atermoiements quant à la consistance du COVID Long comme entité nosologique, et risque d’aboutir à des essais cliniques de type luminothérapie ou méditation pleine conscience (dont on doute de l’efficacité pour nettoyer les réservoirs viraux ou traiter l’auto immunité) .  

-Un parcours de soins HAS où tous les chemins mènent, non à Rome, mais à la rééducation.

 

=> Mais les patient-es ne veulent pas être “ré-éduqués”, ils veulent être traités. Nous avons pour la plupart, comme tant d’autres ayant connu l’errance médicale, été laissé-es à l’abandon dans les pires moments : nous refusons d’être infantilisé-es, voire instrumentalisé-es. Ces centres, s’ils ne proposent aucun traitement médicamenteux (pire, s’ils n’y pratiquent pas la prévention contre les réinfections !), risquent d’être décevants et d’orienter les patient-es désespéré-es vers la médecine “alternative” voire vers le complotisme. C’est déjà le cas pour toutes ces maladies où, nous remarquons, les femmes sont sur-représentées et pour lesquelles faute de recherche et de traitements, les centres de compétence renvoient vers la pratique du yoga sur de jolies brochures. Nous sommes lassé-es des injonctions à ”apprendre à s’autogérer”, expression pleine de paternalisme médical et qui fait porter toute la charge de la guérison sur les malades. Être soigné-es par voie médicamenteuse est ce qui permettra, espérons-le, aux patient-es de refaire du sport ensuite, et ceci est valable pour toutes ces pathologies jugées complexes. La médecine française doit passer au XXIème siècle : il n’est plus possible que nos vies soient entre les mains de professionnel-les qui, soit ne croient pas en la consistance de nos maladies, soit se soucient davantage de faire taire nos plaintes que de porter remède à nos maux.

Deuxième extrait de questions Covilev :

 

Ceci est d’autant plus frustrant que la recherche française peut être innovante et passionnante. Et si l’éventail d’effets provoqués par le COVID Long est large, il a une cause commune, le SARS-CoV-2. Or, nous avons la chance d’avoir une multitude d’études décryptant ce virus – mais la malchance d’avoir des autorités sanitaires qui organisent l’inaction en la matière. La persistance virale n’est plus une hypothèse, et se révèle être un élément inquiétant à long terme : outre les effets qu’elle a déjà chez une partie des malades, quelles conséquences aura-t-elle dans quelques années? La thrombo inflammation, la dysimmunité, et d’autres mécanismes permettent aussi d’envisager biomarqueurs et traitements, et d’éviter peut-être des drames. Par ailleurs, des effets néfastes associés au Covid arrivent en décalage de l’infection : fibroses, dermatomyosites, maladies neurodégénératives, décompensations multiples (cardiovasculaires, neurologiques, diabètes, BPCO, Ehler Danlos…). C’est un véritable fardeau, économique (21 milliards d’euros en France hors coûts de santé selon the Economist) et de santé publique, dont on ne mesure pas encore l’ampleur. Des compilations d’études montrant l’ampleur du problème sortent régulièrement. Comment peut-on encore attendre ?

 

Nous nous interrogeons donc sur 1) ce refus de tenter de traiter les causes et mécanismes des maladies, et 2) sur la stratégie française consistant à bégayer indéfiniment des protocoles de recherche dont les résultats sont déjà bien connus, alors que la situation d’urgence médicale et la littérature scientifique appellent à des suites plus opératoires. Celles-ci seraient utiles pour le COVID aigü, ses suites, ainsi que les maladies aux mécanismes analogues. En attendant, les patient-es continuent de souffrir sans voir arriver l’ébauche d’un espoir, alors que certains outils pourraient commencer à être testés.

 

Nos demandes

 

=> Essais : Nous demandons en urgence des essais cliniques avec des antiviraux (et/ou anticorps monoclonaux) à plus long cours que testé récemment aux USA, afin de voir si l’on peut nettoyer les réservoirs viraux et éviter des impacts additionnels. De nouvelles molécules sont en préparation ou attente d’approbation. Les processus sont trop longs et les malades ne peuvent plus attendre. Différentes combinaisons d’antiviraux, l’association avec des monoclonaux seront sûrement nécessaires pour déterminer ou non une efficacité. Par ailleurs, des immunothérapies sont en essai, d’autres traitent les dommages à l’endothélium, ou différents mécanismes importants de la maladie… Il est TEMPS. 

 

=> Déployer rapidement des biomarqueurs qui puissent montrer la persistance virale et la dysimmunité. Toute personne contaminée,  a fortiori si elle souffre de problèmes de santé par la suite, devrait avoir la possibilité de savoir si une persistance du virus est détectable (test sanguin transcriptomique qui mesure la charge virale en ARN ou la réplication par exemple), afin d’attester d’un éventuel préjudice subi. Ces tests sont aussi un préalable pour avoir des essais cliniques avec des traitements antiviraux qui soient pertinents sur ce sujet, et suivre l’efficacité des molécules en monitorant la baisse de ces marqueurs.

D’autres biomarqueurs, diagnostiques et d’orientation clinique sont également nécessaires. Les tests de microcaillots, profils immunologiques et autres orientations diagnostiques serviraient aussi pour les pathologies proches ou associées, selon les mécanismes communs. Des tests permettant d’évaluer et prévenir certains risques suite à l’infection (ex: complément pour la tromboinflammation et les risques cardiovasculaires) sont également nécessaires.

 

=> Tests et traitements préventifs en cas de contamination : nous demandons la possibilité pour toustes de se tester en PoC-NAT (de type « PlusLife », à amplification isotherme rapide (30 minutes) dans des centres “test and treat” dédiés, et, pour toutes les personnes souffrant de maladies chroniques invalidantes (à risque augmenté de décès / séquelles / COVID Long) le souhaitant et le pouvant, un accès simplifié sur place aux antiviraux disponibles.

Il faut maintenant commencer la prévention du COVID Long et de ses effets décalés. L’accès aux antiviraux ne devrait pas être inégalitaire. Aujourd’hui certains malades chroniques bien suivis ont une ordonnance ou une boîte d’antiviraux à la maison en cas de contamination, d’autres n’arrivent pas à l’obtenir dans les 5 jours. Obtenir ces traitements ne devrait pas représenter une “quête” lors d’une contamination, notamment pour des personnes déjà précarisées par un handicap. Ceci pourrait aussi contribuer à “atténuer le fardeau des hospitalisations, faciliter la prophylaxie post-exposition, réduire les séquelles post-COVID-19”, selon les conclusions de cette étude. Certaines molécules en développement ou en cours d’approbation présentent moins de contre-indications ou d’interactions médicamenteuses, ce qui permettrait de pouvoir les délivrer à des personnes à haut risque (immunodéprimées notamment) qui n’ont toujours pas d’option de traitement d’urgence aisément accessible en France. 

 

=> Bien sûr, pour toustes : De la prévention, de la prévention, de la prévention (air pur, FFP2, UV-C, information scientifique au public). La prévention des ré-infections devrait faire partie du traitement.

 

L’attentisme et le fatalisme viral ne se justifient plus au vu de la littérature scientifique. Il faut un plan d’urgence, un déblocage de moyens, des procédures simplifiées, des auditions publiques, comme elles ont pu avoir lieu au Sénat américain cette année. La recherche doit s’orienter enfin vers de vrais traitements préventifs et curatifs : les malades chroniques en général et les patient-es COVID Long en particulier ont besoin de tout ceci pour HIER.