Présentation de la bannière de la table ronde n°2.

Modérateur : Hadrien Clouet, député et Vice-président de la Commission des Affaires sociales à l’Assemblée nationale.

IntervenantEs

  • Solenn Tanguy, Présidente de Winslow Santé Publique
  • Stéphane Corbel, membre d’AprèsJ20
  • Priscilla Ribeiro, Présidente de Covid Long Solidarité
  • Gwen Fauchois, activiste et ex Vice-Présidente d’Act Up-Paris
  • Alexandre Monnin, philosophe
  • Louis Lebrun, médecin de Santé Publique
  • Michaël Rochoy, médecin généraliste

Retranscription 

 

Hadrien Clouet se présente et rappelle un certain nombre d’enjeux de cette deuxième table ronde : prévention à l’intention de la population générale (fiabilité des informations mises à disposition par les autorités sanitaires, accessibilité des outils de dépistage comme les tests PCR maintenant sur ordonnance…), accessibilité des espaces publiques (écoles, lieux de soin), formation des médecins, qualification administrative des situations des malades, (ALD), encadrement juridique. Il parle de “sabotage gouvernemental” concernant la loi COVID Long de 2020. La parole est donnée à Louis Lebrun présent en distanciel.

Louis Lebrun est praticien hospitalier à l’APHP et médecin spécialiste en santé publique mais précise intervenir à titre personnel lors de colloque. Il exprime son inconfort à l’idée d’intervenir en premier puisqu’historiquement la santé publique s’appelait “la santé communautaire et médecine sociale” et qu’il est donc crucial selon lui que les personnes concernées puissent s’exprimer en priorité, sans l’intervention d’une personne sachante/experte. Il commence par des remarques générales. Pour lui, le COVID est le révélateur qu’il n’y a pas en France de réelles politiques de prévention et que tout reste à faire sur le sujet. Pour ce faire, il faut s’appuyer sur ce que disent les patientEs mais aussi sur un certain nombre de données scientifiques aujourd’hui négligées : la transmission aéroportée du virus du COVID, sa transmission asymptomatique, le fait que le COVID n’est pas une “grippette”.

Il évoque les contaminations COVID dans les lieux de soin et l’importance des mesures de prévention qui permettraient de les éviter : aération et ventilation des lieux de soin, port du masque de façon préventive et généralisée dans les lieux de soin, importance de la vaccination. Il explique qu’il y a une balance à trouver entre ce qui relève des libertés personnelles et les mesures à prendre collectivement pour sécuriser la vie en société pour tout le monde, et non pas exclure les personnes dites à risque : “Il appartient à la société de combattre son validisme.” Il rappelle que les dispositifs pour sécuriser la vie en société pour tout le monde et notamment les lieux de soin sont simples à mettre en place, et permettraient d’éviter que les gens fuient les lieux de soin de par l’absence de réduction des risques à l’heure actuelle. Il termine son intervention en félicitant les intervenantEs et le public du colloque pour le port du masque généralisé.

Gwen Fauchois prend ensuite la parole. Elle exprime également une certaine gêne à intervenir lors de ce colloque car elle souligne l’importance et la pertinence des échanges à partir du point de vue de personnes directement concernées par le COVID Long. Elle précise qu’elle va parler de prévention politique et de politiques de prévention. Pour elle la prévention est un sujet en soi, mais c’est aussi le point d’articulation de tous les autres sujets traités lors de ce colloque : “La prévention c’est la fenêtre de visibilité de la maladie. Dès que la prévention disparaît c’est la maladie qui disparaît et ça a des conséquences immédiatement sur les malades, les traitements, le soin, la recherche…” 

Elle enchaîne avec deux rappels “provocateurs” : 

  • “Il n’existe pas de prévention qui ne soit pas collective.” Elle précise que la prévention est évidemment aussi à articuler au niveau individuel mais que sans prévention collective il n’y a pas de prévention ;
  • “Les défauts de prévention et de culture de santé publique sont au moins en partie responsables de ce qu’un confinement a été rendu nécessaire en 2020.” Selon elle, un certain nombre de choses auraient pu être anticipées avec une bonne culture de prévention, ce qui aurait évité de rendre nécessaire le confinement. Elle rappelle également que la nécessité du confinement ne justifiait pas sa gestion autoritariste, uniquement verticale, gestion qui a entraîné un certain nombre de conséquences sociales, sexistes, racistes et une défiance durable de la population contre les mesures de santé publique.

Fauchois revient ensuite sur la prévention comme fenêtre de visibilité de la maladie et des malades. Elle explique que la prévention en tant que discours de santé publique est ce qui donne de l’existence et du poids à la maladie et aux malades dans l’imaginaire collectif. Elle rappelle que nous ne vivons pas dans une société du soin ou de justice sociale mais dans une société capitaliste de mise en concurrence et de choix budgétaires basés non pas sur des critères comme l’amélioration des conditions d’existence des personnes, mais sur leur coût pour le capital. Les intérêts des malades ne sont donc pas pris en compte selon elle : “La plupart du temps ce sont les malades eux-mêmes voire ceux qui les soignent qui ont en charge, en plus de gérer leur maladie, d’être des avocats de la lutte contre la maladie, dans un contexte où la concurrence est aussi organisée entre les maladies et les malades.”

Elle mentionne les acquis obtenus par “les combattants du SIDA” comme le développement de la recherche et le développement de la prévention et rappelle que ces acquis avaient été obtenus en convainquant du scandale que représentaient des morts évitables. Elle décrit néanmoins la période actuelle comme très différente car les scandales s’enchaînent les uns après les autres. Surtout, la gestion du COVID par le gouvernement a produit l’effet inverse avec une acceptation accrue des morts évitables et des inégalités produites socialement.

Elle parle également de l’exclusion des personnes concernées des prises de décision ce qui a eu des conséquences bien au-delà du COVID : “Je ne pense pas qu’il serait si facile de s’en prendre à l’Aide Médicale d’État ou aux droits au soin si la santé n’était pas vendue comme une affaire individuelle. Si la gestion du COVID avait été réellement collective, participative et solidaire ce serait moins facile de s’attaquer aux retraites, aux arrêts de travail, à la sécurité sociale, de mener une loi sur la fin de vie sans même écouter les inquiétudes légitimes de ceux et celles dont les droits au soin ont été bafoués pendant la phase aigüe du COVID et ont vu s’appliquer en 2020 des pratiques eugénistes de tri dès lors que les moyens sont venus à manquer urgemment dans les hôpitaux.”

Lorsqu’elle mentionne la loi fin de vie, plusieurs personnes applaudissent silencieusement dans la salle et elle tourne son regard vers Hadrien Clouet en lui tapotant l’épaule. Elle rappelle que sans même attendre le vote sur la loi fin de vie, le gouvernement s’attaque déjà à l’ALD pour continuer de restreindre l’accès aux soins aux malades. Toujours en regardant Hadrien Clouet, elle lui recommande de “discuter un peu plus et d’écouter un peu plus.”

Fauchois poursuit en expliquant que la représentation du COVID et des malades est finalement assez traditionnelle, oscillant entre invisibilisation et coût. La prévention du COVID a été renvoyée à la seule responsabilité individuelle et les catégories de vulnérabilité ont été détournées. En effet, d’un droit à une protection adaptée et accrue pour les plus vulnérables de la société, on est passé à une situation où seuls les plus vulnérables seraient fragiles et donc à protéger. Elle parle d’un véritable processus de désolidarisation et de stigmatisation qui a fait des plus vulnérables un fardeau pour la société, comme si c’était de leur faute s’il a fallu mettre en place des mesures de prévention contre le COVID. Ce processus a également permis de diffuser la croyance fausse du caractère bénin du COVID pour la grande majorité des gens, croyance maintenant largement partagée au sein de la société : “Les plus vulnérables sont désormais priés de faire leur coming-out, c’est à dire de s’annoncer comme vulnérable, et de faire le deuil de toute sociabilité, accès au travail compris, et paradoxe insupportable aux lieux de soin, qui sont devenus des lieux de mise en danger, ce qui les oblige à des arbitrages impossibles entre prise de risque et nécessité de se soigner.”

Elle souligne l’incongruité de la situation actuelle où ce sont les plus vulnérables qui protègent les autres. Iels sont sacrifiéEs pour le confort du plus grand nombre qui ignore les conséquences à long terme des ré-infections COVID. Elle parle ensuite d’une organisation par les autorités sanitaires de la méconnaissance sur la transmission réelle du virus, sa circulation et les conséquences à long terme des infections COVID, la dernière campagne gouvernementale sur les virus de l’hiver en étant une illustration “à pleurer”. Elle insiste sur le rôle de ces narratifs qui ont servi à autoriser l’abandon des mesures de prévention collectives et faire reposer la prévention uniquement sur les individus. Ces discours ont notamment permis à Macron d’abandonner sa promesse de 2022 pour améliorer massivement la qualité de l’air dans les écoles, les hôpitaux.

Elle parle de politique circulaire pour résumer la situation : “On invisibilise les malades, on invisibilise les modalités de transmission, les effets à long terme et cela permet de justifier que l’on supprime tous les instruments de mesure et de lutte. Cela permet de justifier qu’il n’y ait pas de recherche, qu’il n’y ait pas de mesures sociales et en plus ça planifie par avance la non responsabilité des politiques sur les conséquences.” Elle évoque notamment le poids que vont faire peser les réinfections COVID sur un système de santé déjà au bord de l’implosion et rappelle que prévenir le COVID Long c’est d’abord prévenir le COVID : “Sans COVID, il n’y a pas de COVID Long.” Elle mentionne brièvement la partie qu’elle n’aura pas le temps de développer concernant les liens entre prévention et lutte contre l’injustice sociale : “Le défaut de prévention est une injustice sociale.”

 

Solenn Tanguy enchaîne sur un ton désabusé pour dire qu’il y a beaucoup trop de choses à dire sur la prévention car “Rien n’a été bien fait du début à la fin.” Elle revient sur l’absence de masques au début de l’épidémie et la diffusion de fausses informations qui continue en 2025, comme en témoigne la dernière campagne sur les virus de l’hiver absolument catastrophique. Elle explique que la charge de prévention repose désormais sur les plus fragiles tout en soulignant le fait que tous ne sont pas au courant du risque.

Elle dénonce un problème de non-respect de la science par les autorités sanitaires, en prenant notamment l’exemple des  recommandations contact-gouttelettes toujours en vigueur dans les hôpitaux alors même que le virus du COVID est aéroporté. Elle raconte également comment les autorités sanitaires et les sociétés savantes se défaussent de leurs responsabilités respectives et se renvoient la balle concernant le COVID. Elle insiste sur le fait que la sécurisation des hôpitaux est une urgence absolue et qu’il n’y a aucune raison valable pour que le port du masque FFP2 n’y soit pas obligatoire : “Si vous avez un cancer par exemple, vous avez le droit d’aller aux urgences. Si vous ne pouvez pas porter le masque, le masque des autres est censé vous protéger.” Elle dénonce le caractère aberrant de mettre en danger les malades dans les lieux de soins, notamment du fait du coût des infections nosocomiales qui multiplient la durée des hospitalisations.

Elle mentionne également les discriminations en lieux de soin des soignantEs envers les malades. CertainEs ont reçu l’inscription “nosophobe” dans leur dossier médical ou se sont fait presque agresser : “Quand on demande une protection, on se fait engueuler, on se fait mal voir.” Elle cite ensuite les dispositifs à mettre en place dans les lieux de soin : masques, qualité de l’air, UVC.

Elle poursuit sur l’école comme autre urgence absolue car le COVID Long pédiatrique est un véritable drame et qu’il est plus difficile de diagnostiquer les enfants alors même que les réinfections mettent en danger leur espérance de vie. Elle rappelle également que les écoles sont le moteur de l’épidémie avec des vagues rythmées par les rentrées scolaires et les vacances. Elle donne l’exemple de la qualité de l’air dans l’école de son fils où les taux de CO2 mesurés sont largement supérieurs à la limite légale de 800 ppm. Elle dénonce le fait que les recommandations sur la qualité de l’air ne soient pas contraignantes et s’étonne que la France soit à ce point en retard sur la mise en place d’un plan air dans les écoles par rapport aux autres pays. Elle liste ensuite tout ce dont on aurait besoin pour lutter contre le COVID : dépistages COVID gratuits et rapides pour attester de l’infection et avoir accès aux antiviraux comme le Paxlovid ou l’Ensitrelvir en post-exposition, sécurisation des lieux de soin, des écoles, des transports et de tous les endroits clos. Elle rappelle que le port unilatéral du masque FFP2 est insuffisant : plein de personnes qui continuent de se protéger se sont fait réinfecter après la fin de l’état d’urgence sanitaire, notamment dans des endroits où il faut retirer le masque comme chez le dentiste par exemple.

 

Stéphane Corbel prend ensuite la parole. Il explique que ce sont les infections répétées qui provoquent les dégâts invisibles du COVID Long. Il raconte que des personnes sont surprises de développer un COVID Long après plusieurs infections alors qu’elles n’ont pas eu beaucoup de symptômes lors de la première. Il rappelle que le COVID n’est pas une “grippette” et que des personnes jeunes, en bonne santé, vaccinées développent le COVID Long. Il cite notamment son propre exemple de personne très sportive avant son COVID Long. Il explique aussi qu’au-delà du COVID Long, il va falloir s’attendre à une augmentation de la charge de morbidités dans les années à venir, en mentionnant les complications neurologiques et cardiaques chez de nombreuses personnes infectées par le COVID : “Le rôle de la prévention est essentiel.” Selon lui, il y a un sous-investissement en France sur la prévention et la communication. Il donne l’exemple de l’absence de politique sur l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, politique qui serait pourtant au bénéfice de tous les citoyens et pas seulement des déjà-malades, mais aurait également des co-bénéfices comme la baisse des allergies.

Il enchaîne sur l’évidence du port du masque déjà évoqué ultérieurement lors de ce colloque, et le monitoring de la qualité de l’air intérieur, en priorité dans les écoles. Il donne l’exemple d’une jeune femme qui a dû arrêter ses études à 19 ans à cause du COVID Long, et qui vit maintenant avec l’AAH à 23 ans. Sa mère a dû arrêter de travailler pour s’occuper d’elle : “Il y a de multiples exemples autour de nous.” Il souligne le rôle crucial des personnes aidantes, souvent oubliées. Il souhaite des campagnes de prévention régulières pour tout le monde, en donnant l’exemple d’autres pays comme la Corée du Sud qui ont réussi à mettre en place une véritable culture de prévention concernant la qualité de l’air et le port du masque.

Il rappelle aussi que beaucoup de personnes ne savent pas qu’elles sont COVID Long et qu’il y a des enjeux de classe sociale qui jouent dans l’accès à l’information et au diagnostic. Il exige l’application de la loi de 2022 pour enfin avoir un vrai référencement des malades en France.

Il dénonce le fait que les campagnes de vaccination en France ont souvent un train de retard et déplore l’absence de vaccins “classiques” type Novavax. Il souhaite des campagnes de sensibilisation diffusées sur les réseaux sociaux et construites sur le modèle de celles faites sur l’autisme et la santé mentale, campagnes qui permettraient de casser les préjugés sur le COVID Long : “Ce n’est pas dans notre tête comme on peut l’entendre dire.” Concernant le COVID Long pédiatrique, il appelle à un travail avec l’Éducation Nationale pour améliorer la prise en charge des élèves COVID Long. Il finit en évoquant le colloque européen sur la Qualité de l’Air Intérieur qui aura lieu le 20 juin au Sénat.

 

Priscilla Ribeiro poursuit la table ronde en demandant l’accès aux traitements précoces contre le COVID, accès devenu compliqué de par l’absence de tests PCR et les difficultés de prendre rdv avec un médecin généraliste dans les temps. Elle revient sur la qualité de l’air intérieur dans les écoles en expliquant que beaucoup de salles de classe ont été équipées de capteurs de CO2 mais que sans système d’aération pour améliorer la qualité de l’air, les enseignantEs les éteignent lorsque le capteur signale le dépassement des normes. Elle demande une politique d’obligation sur le sujet. Elle dénonce le fait que les médecins ne portent pas le masque dans les lieux de soin et demandent même aux patients de retirer le masque alors que c’est précisément dans les lieux de soin que les gens se font recontaminer. Elle finit par rappeler qu’il n’y a jamais eu de campagne de prévention COVID qui parle de COVID Long malgré les demandes répétées faites au Ministère de la Santé.

 

Alexandre Monnin intervient ensuite et commence par préciser qu’il n’a pas de légitimité particulière à intervenir sur les questions de santé publique mais que, face au vide des discours intellectuels et universitaires sur le COVID et le COVID Long, il a eu l’occasion d’écrire quelques articles sur le sujet. Il explique que The Economist chiffre à 35 millions le nombre décès liés au COVID dans le monde : “On n’a pas du tout pris la mesure de ce que ça représente et de ce que représentent aujourd’hui les COVID Long qui sont la suite directe de tout ça.” Il rappelle que prévenir le COVID Long c’est prévenir le COVID et critique le cadrage actuel de la prévention par les institutions, cadrage qui sépare la population entre “vulnérables” et “invulnérables” : “Je ne sais pas sur quelles études on se base pour expliquer qu’il y a des invulnérables et une minorité qui embêterait tout le monde parce que nécessitant justement de la prévention.” Il appelle à critiquer et combattre ce cadrage.

Il évoque ensuite la distinction entre deux formes de prévention : la prévention collective (vaccination, masques, qualité de l’air) souhaitée par les personnes présentes au colloque et la prévention individuelle qui vise à se transformer individuellement en invulnérable et qui émerge depuis quelques temps aux États-Unis, mais débarque également en France. Il décrit le processus par lequel la société passe d’une vision collective et publique de la santé à une vision individualiste où il s’agit de se soustraire à la possibilité même d’être malade, puisque dans cette société individualiste, lorsqu’on tombe malade on ne nous soigne plus. Les gens sont incités à faire du sport, prendre des compléments alimentaires, s’exposer aux pathogènes pour “faire leur immunité”. Il donne l’exemple de personnes qui boivent de l’eau croupie pour “développer leur immunité”, ou encore l’exemple de RFK Jr, l’actuel secrétaire à la Santé et aux Services sociaux des États-Unis, qui s’est baigné récemment dans un dépôt d’égout précisément pour porter cette vision dévoyée de la prévention. Selon lui, ce phénomène devient de plus en plus mainstream et il appelle à la vigilance. Il explique qu’il y a également des éléments culturels qui entrent en jeu quand il s’agit de prévention : “Si on veut rendre la prévention audible et possible, on doit aussi s’appuyer sur une culture qui rend cela possible.” Il explique qu’il faut aller à rebours des fausses bonnes idées qui peuvent “noyer le poisson” comme par exemple le concept de “vision holistique”. Il précise que la vision individualiste de la prévention qui émerge aux États-Unis s’appuie justement sur une “vision holistique” de la santé.

Il cite également le concept de vivre avec” et ses déclinaisons très mises en avant ces dernières années : “Vivre avec le virus, vivre avec le non-humain, vivre avec tout un tas de choses pour développer son immunité.” Il critique ce “vivre avec” qui ne va pas du tout dans le sens de la prévention. Enfin il dénonce les discours sur l’acceptation de la mort qui ont joué un rôle crucial depuis le début de l’épidémie de COVID pour faire accepter la libre circulation du virus. Selon les promoteurs de ces discours, le vrai drame de l’épidémie serait la peur de la mort : si les individus portent le masque, refusent l’ordre naturel des choses, notamment l’exposition aux infections, c’est parce qu’iels ont peur de la mort. Pour A. Monnin, ce cadrage catastrophique de la prévention reste très prégnant aujourd’hui et doit être combattu : “Si on veut vraiment faire de la prévention, il faut aussi s’atteler à désarmer ces éléments culturels qui malheureusement, en 5 ans se sont largement diffusés au sein de la société.” Le public applaudit silencieusement.

 

Michaël Rochoy prend la parole pour évoquer quelques bases de la prévention des maladies. Il explique qu’il existe 4 types de prévention selon que la maladie est détectable ou non détectable, et que la personne malade est asymptomatique ou symptomatique : 

  • Prévention primaire
    • Concerne notamment les maladies non détectables et asymptomatiques qui sont à éviter à tout prix.
    • En pratique contre des infections respiratoires de ce type, la prévention primaire consisterait à mettre à disposition des masques, limiter les brassages, vacciner…
  • Prévention secondaire
    • Si la maladie est détectable et asymptomatique, l’enjeu est de détecter la maladie et on va donc faire des dépistages : frottis contre le cancer du col de l’utérus par exemple.
    • Selon lui, il n’y a aujourd’hui pas de prévention secondaire contre le COVID Long car la maladie ne rentre pas dans les critères : il n’y a pas encore de dépistage performant disponible, il n’y a pas de traitements disponibles contrairement au cancer du col de l’utérus…
  • Prévention tertiaire
    • Concerne les maladies détectables et symptomatiques. Par exemple, pour une personne qui a fait un infarctus, on va lui donner un traitement pour éviter les récidives.
    • Pour le COVID Long, il n’y a pas de traitement disponible mais la prévention tertiaire s’exprime par les parcours de soin COVID Long, la participation à la recherche…

Il poursuit en expliquant que la prévention regroupe toutes ces dimensions : éviter que les gens tombent malades, des biomarqueurs pour dépister, des parcours de soin et de la recherche à développer. Pour le COVID, la prévention primaire est selon lui le point le plus important. Cela passe notamment par :

  1. Améliorer la qualité de l’air intérieur (QAI) qui est une mesure passive contrairement au port du masque, c’est à dire qu’une fois mise en place tout le monde en bénéficie sans effort. Surtout, en France personne n’est opposé à cette mesure : “Il y a des mouvements antimasques, il y a des mouvements antivaccins, mais il n’y a pas encore de mouvements anti-QAI.” Il rappelle que la priorité doit être de cibler les écoles qui sont un gros moteur de l’épidémie de COVID. Il y a également des co-bénéfices comme l’amélioration de la concentration et des performances scolaires puisque des taux élevés de CO2 provoquent des maux de tête. L’amélioration de la QAI diminue également toutes les infections aéroportées : COVID, grippe, coqueluche, VRS, varicelle… et donc les hospitalisations, les syndrômes post-viraux, mais aussi la surmortalité COVID qui continue en 2025. Il évoque à ce sujet le “pari” de Macron qui a consisté à déconfiner la société française en 2021 en misant tout sur la vaccination qui venait de démarrer. Ce pari a coûté la vie a des dizaines de milliers de personnes : “C’est probablement l’une des décisions politiques françaises ayant eu le plus de conséquences létales sur les dernières décennies. C’est problématique qu’une telle décision par une seule personne en France puisse tuer autant de gens en toute impunité.”
  2. Le port du masque est la mesure la plus efficace disponible mais repose sur l’adhésion active des individus. M. Rochoy demande au moins le masque dans les lieux de soin et montre en direct l’exemple de son cabinet médical où des masques sont toujours mis à disposition. Il montre aussi le capteur de CO2 géant qui affiche en direct la qualité de l’air dans la salle d’attente de son cabinet, des affiches de prévention à destination de sa patientèle pour inciter à porter un masque, la VMC qu’il a installée. Il donne également le montant de l’investissement qui s’élève à 2000 euros environ : “À l’échelle d’un cabinet de médecine générale, c’est ridicule.” Il explique qu’il faut aussi une bonne information de la population pour faire adhérer au port du masque.
  3. La facilitation des arrêts de travail courts ou pour enfants malades sans passage chez le médecin serait aussi une mesure efficace selon luipour réduire les contaminations. Pour certaines pathologies courantes (rhume, gastro…) les patients pourraient être mis en arrêt court et se prendre en charge sans avoir à passer chez le médecin, ce qui éviterait des contaminations en salle d’attente. Il remercie publiquement le député Hadrien Clouet qui modère la table ronde et a fait récemment une proposition de loi dans ce sens.

Il termine en expliquant que faire de la prévention primaire permet d’améliorer globalement l’accès aux soins : “Les viroses courantes représentent 13% des motifs de consultations soit 15 à 30 millions d’actes chaque année. C’est vraiment énorme et si on limite ces actes-là, ça permet de redonner du temps pour se former sur le COVID Long, mieux prendre en charge les patients.” Il appelle à une mobilisation transpartisane de la gauche sur l’amélioration de la qualité de l’air, le port du masque dans les lieux de soin et dans d’autres espaces publics comme les transports suivant des critères épidémiologiques… Pour lui la gauche est capable de mobiliser sur les sujets de santé et il donne l’exemple de la loi fin de vie tout en précisant y être opposé personnellement.

Interventions du public

S’ensuivent des interventions brèves du public du fait du retard pris sur le programme du colloque : 

  • Un militant de Winslow intervient pour faire le constat que les capteurs de CO2 présents dans la pièce et amenés par l’association indiquent un taux de CO2 de 500 ppm. Il souligne que dans une salle aussi remplie et qui peut être décrite comme une cave sans fenêtres, ce niveau de qualité de l’air est sûrement meilleur que dans la plupart des lieux de travail et de soin en France : “On est pas tous exposés de la même manière à ce risque aéroporté.” Il explique que cette qualité de l’air est inaccessible dans ce type de pièce sans avoir fait des travaux conséquents sur le système d’aération. Une militante de Winslow ajoute : “Cela veut dire que c’est possible de faire des bâtiments bien aérés. Quand on a les moyens c’est possible.”

  • Un jeune homme vivant avec un COVID Long et militant à Winslow intervient pour dénoncer les médias mainstream qui donnent la parole à des médecins qui minimisent la dangerosité du COVID et la gravité du COVID Long. Il cite notamment Gérald Kierzek et Bruno Lina qui sont souvent sollicités par les médias : “Comment faire adhérer la population générale à ce type de prévention alors que l’on donne parole à ces personnes dans les médias ?”

  • Nora Sahara, journaliste, intervient pour défendre le Dr Kierzek. Elle a parlé en off avec lui et selon elle : “Il est vraiment très sensible au COVID Long, il a pas du tout le même discours en off.”

  • S. Tanguy rebondit sur l’intervention de la journaliste pour expliquer que le Dr Kierzek intervient régulièrement dans les médias pour diffuser des messages de désinformation sur le COVID : il ne serait pas nécessaire de porter un masque, il ne serait pas nécessaire de se tester même si on est à risque… Elle dénonce la dangerosité des discours tenus depuis des années auprès d’une large audience par le Dr Kierzek et qui minent tous les discours de prévention : “Peut-être qu’il pense autre chose en privé, mais sa parole publique est importante.” Elle poursuit en expliquant que la pression sociale à ne pas parler du COVID comme quelque chose de sérieux joue un rôle majeur dans la situation sanitaire actuelle et que certaines personnes médiatiques semblent adopter un double discours : “On a besoin de suivre la science et d’avoir les outils de prévention.” Elle finit en déplorant qu’il n’y ait pas eu le temps de parler de certains sujets lors de la table ronde, notamment l’accès à certains outils de prévention comme le vaccin Novavax.

  • G. Fauchois explique qu’un certain nombre de choses sont possibles en termes de prévention mais sont directement liées à des politiques sociales : “Ici il y a une bonne qualité de l’air, dans les écoles du 93 les plafonds s’écroulent, à l’école Alsacienne à Paris il y a des purificateurs d’air.” Elle fait remarquer que la prévention a un coût financier reporté sur les personnes en donnant l’exemple de la TVA sur les masques repassée récemment de 5,5% à 20%. Elle dénonce les restrictions sur l’accès aux tests PCR, les jours de carence qui sont des jours de salaire en moins : “Les arrêts de travail et la suppression des journées de carence, c’est une vraie mesure de prévention, notamment pour le COVID : l’arrêt de travail permet de casser les chaînes de contamination et on sait que le repos diminue le risque de COVID Long.” Elle partage ensuite une colère personnelle : “Je vis dans un quartier populaire et je croise régulièrement des daronnes qui se rendent au travail ou en reviennent, font leur vie quotidienne, avec un masque chirurgical baissé autour du coup. À chaque fois ça me fout en rage parce que je me dis que ces femmes ont conscience du danger mais on ne leur a pas donné l’information nécessaire pour qu’elles puissent se protéger correctement [avec un masque FFP2].” Selon elle, l’accès à l’information n’est pas juste une question de culture ou d’éducation : ce sont des politiques sociales qui déterminent qui a accès ou pas à l’information. Elle finit en expliquant qu’il ne sera pas facile pour la gauche de lutter contre le COVID du fait du matraquage des classes populaires ces dernières années, tout en rappelant que la prévention n’est justement pas qu’un enjeu de santé, c’est un enjeu de justice sociale et de protection des classes populaires : “Les classes aisées elles se défendront très bien”.