Vous savez quoi? Il est possible de ne pas se faire agresser ni maltraiter quand on porte un masque dans la rue ou dans un restaurant : et ça se passe à Cali, en Colombie.
Depuis que le port du masque n’est plus obligatoire à Paris, il est devenu parfois dangereux de le porter. Les gens me demandent de l’enlever en me criant que ce n’est plus obligatoire, voire se jettent sur moi pour me l’arracher. Ceci à l’air libre et dans les espaces clos. Dans le meilleur des cas, je dois me justifier auprès des gens, et c’est trop fatiguant.
Ainsi, quand j’ai pris des vacances à Cali cet été, ce fut pour moi une vraie déconnexion. Là-bas, les masques sont obligatoires seulement dans les lieux de soins. J’étais donc agréablement surprise de voir quelques personnes (beaucoup plus qu’à Paris) se promener masquées dans la rue, parfois en FFP2. Et oui, à Cali, à 30 degrés, les gens portent des masques à l’air libre et ils arrivent à respirer.
Étant malade chronique depuis des années, je vois régulièrement des médecins, à Paris et à Cali. J’ai pu ainsi comparer divers espaces de soins et de loisirs entre les deux villes.
Spoiler : Paris gagne le prix de l’hostilité.
A la différence des hôpitaux que je fréquente en France, où les salles d’attente n’ont même pas une fenêtre, l’architecture des salles d’attente des cliniques que j’ai visitées à Cali permet une grande circulation d’air. Certaines de ces salles sont, on pourrait dire, à l’air libre. Avec mon capteur de CO2 dans la main, à 450-500 PPM, j’étais sûre de respirer de l’air qui n’avait jamais été dans les poumons d’autres personnes.
Un fait malheureux rapproche toutefois les lieux de soins de ces deux villes : la saleté de l’air et les fenêtres fermées durant le rendez-vous. Et oui, si les autres espaces des cliniques à Cali (cafétérias, restaurants, couloirs) sont ouverts, les consultations et les examens médicaux se déroulent dans des cabinets clos sans ventilation. Ces espaces sont fermés à cause de la climatisation et même si c’est rafraîchissant, l’air est tout sauf frais. Comme à Paris, le taux de CO2 peut atteindre, dans les meilleurs des cas, 900 PPM et dans les pires 2000 PPM. On respire donc les microbes des médecins et des autres patient-es qui sont passé-es avant nous.
Mais par contre, dans les cliniques de Cali le masque est encore obligatoire, et il est porté correctement par la plupart des gens, ce qui permet une certaine sécurité. J’ai rarement vu des masques sous le nez dans les lieux de soins où je me suis rendue. Et pourtant, ils arrivent toujours à respirer 🙂
D’ailleurs, une des cliniques affiche un message clair sur son site internet : il faut aérer en permanence et « il n’y a pas, pour l’instant, de traitement ni de vaccin 100% efficace contre le covid, la seule manière de se protéger est d’éviter de l’attraper. »
Il faut préciser que les FFP2 dans les cliniques sont presque la norme. Tous-tes les médecins en portent, même avec l’élastique autour de la tête (pour créer une bonne fermeture hermétique). Les internes en portent aussi qui leur sont procurés par l’Université, le personnel qui fait le ménage utilise des FFP2 pourvus par l’entreprise prestataire, et il en est de même pour le personnel des ambulances et les brancardiers. Les seules personnes qui portent des masques chirurgicaux sont les secrétaires (je n’ai pas compris pourquoi).
Les centres commerciaux semblent également avoir intégré l’idée de la transmission aéroportée qui n’a visiblement pas encore touché les lieux de soins en France. Bien que les masques y soient beaucoup moins présents, il y a un effort d’aération. Les locaux, même ceux qui ont de la climatisation, laissent les portes ouvertes. Et le plus important, personne ne regarde méchamment celleux qui portent des masques et on n’est pas obligé de se justifier. Le plus étonnant fut de voir des panneaux publicitaires au sein d’un centre commercial avec des personnes masquées et « heureuses ».

Il y a aussi un fait très surprenant pour des français probablement : le port du masque systématique de la part du personnel dans certains endroits qui offrent des services à l’air libre. Par exemple, un massage dans un spa où toutes les travailleuses portaient des masques, et ce même en plein air. Ou encore les restaurants avec des grandes terrasses, dont les serveurs et serveuses portent des masques (en octobre 2022).
Et le meilleur pour la fin : il y a des colombien-nes qui font du sport avec un masque, même à l’air libre ! Et ne meurent pas étouffé-es !
Cette utilisation du masque serait-elle liée au fait que les personnages politiques en ont porté en public et dans les médias bien plus longtemps qu’en France ? Je ne sais pas. Mais le message semble être passé dans la population.
Malgré tout ce que je viens de décrire, il ne faut pas non plus idéaliser la Colombie : là-bas, on n’a pas assez de tests, il n’est donc pas facile d’y accéder, on n’a pas de statistiques fiables, on n’a pas un bon système de santé, etc. Les gens choppent des « rhumes » à répétition et on n’a même pas entendu parler du Paxlovid.
Néanmoins, ces bonnes vacances m’ont permis de voir qu’il était possible de vivre autrement, même en l’absence de politiques publiques fortes et d’un investissement de l’Etat. J’aimerais bien y retourner cet hiver pour échapper à la catastrophe à Paris où, à cause du froid, tout se déroulera en intérieur, fenêtres fermées, sans ventilation ni filtre HEPA.
Après, il faut juste trouver le courage (et le budget) pour prendre l’avion pendant dix heures d’affilée. Au passage, merci Avianca et Iberia pour le maintien du port du masque, même si ça ne réduit pas les 2000 PPM qui flottent dans vos cabines. Il ne me reste plus qu’à apprendre à boire et à manger en apnée.
29 oct. 2022 12:42